Valorisation d’entreprise : où en sommes-nous aujourd’hui ?
Le contexte macroéconomique actuel marque une rupture avec l’euphorie des 10 dernières années. Nous sommes à l’ère de la “permacrise”, réduisant drastiquement la visibilité des entreprises sur leurs activités à long terme. Cela impacte tous les stades de leur développement, a fortiori les opérations de haut de bilan. Selon l’indice Argos, les PME non cotées européennes se vendent à 9,7 fois leur EBITDA au premier trimestre 2023. Les valorisations sont en baisse et ont atteint le niveau le plus bas depuis le premier semestre 2020.
Pourquoi l’exercice de valorisation de l’entreprise s’est-il complexifié ? Quel impact cela a-t-il dans une stratégie de cession ?
Cédric Hetzel, associé, et Edgard Cohen, directeur associé, partagent leur expertise sur ce sujet important.
Pourquoi l’exercice de valorisation de l’entreprise s’est-il complexifié ? Quels sont les nouveaux paramètres à prendre en compte ?
La valorisation d’une entreprise est la conjugaison de deux paramètres : (i) la performance intrinsèque de la société et ses perspectives de croissance et (ii) le marché du capital-investissement.
Aujourd’hui, les entreprises sont dans différentes mesures touchées par un contexte économique tendu. Certains secteurs subissent un ralentissement marqué. Des sociétés rencontrent des difficultés de financement (frilosité des banques) et commencent à rembourser leur PGE (Prêt garanti par l’Etat). La pression sur les marges se fait ressentir à cause des effets de l’inflation qui impactent également le BFR et la trésorerie. Et enfin, la durabilité des business model et supply chain est remise en question à moyen terme sous l’angle de la RSE.
Le marché du capital-investissement connait aussi des transformations. Les fonds d’investissement ont plus de difficultés à obtenir des financements bancaires pour des opérations de reprise à effet de levier (LBO), ou à des coûts financiers supérieurs. Néanmoins, il y a toujours beaucoup de liquidités à investir.
Ainsi, l’exercice de valorisation de l’entreprise a évolué sur plusieurs aspects. Aujourd’hui, il est plus difficile de défendre des valorisations d’entreprises avec une prime qui déconnecte la valorisation de la performance historique mesurée. Il n’est plus possible d’effectuer des comparaisons avec des transactions semblables menées en 2021 ou en 2022. A ces moments-là, les multiples de valorisation étaient historiquement hauts. Depuis la période 2021-2022, le niveau des multiples a baissé et n’a pas retrouvé son niveau de 2019 (cf. le graphique ci-dessous de l’indice Argos).
Les acteurs du private equity vont naturellement privilégier certaines sociétés. Celles qui ont démontré leur capacité à gérer les différentes crises. Celles qui évoluent sur des marchés porteurs. Les sociétés qui pilotent efficacement leurs marges et leur trésorerie ou encore qui présentent une maturité sur les enjeux RSE. Celles qui peuvent être des plateformes de consolidation pour des build-up à venir. Ces derniers sujets de structuration se préparent avant d’enclencher le processus de cession.
Quel est l’impact sur un processus de cession ?
Le contexte actuel peut remettre en question la décision de mettre l’entreprise sur le marché. Dans le cas d’une cession, la décision ne sera pas analysée en anticipant une hypothétique évolution favorable des multiples, mais en fonction de l’évolution de la performance intrinsèque de l’entreprise.
Par ailleurs, les acquéreurs corporate sont aussi de retour ! Il peut être intéressant de mener un dual track lors d’une opération de cession, c’est-à-dire, d’aller consulter à la fois des financiers et des stratégiques.
La réalisation d’opérations de croissance externe peut créer rapidement de la valeur. Enfin, plus que jamais, la direction financière doit jouer un rôle de business partner en mesurant efficacement la performance opérationnelle et financière.
Que faut-il en retenir ?
La création de la valeur pour le futur actionnaire est plus que jamais portée par la création de valeur au sein de l’entreprise elle-même. Le cédant doit démontrer en quoi la croissance à venir est robuste et réaliste. Et en quoi les outils de pilotage de la performance en place dans la société sont efficients et permettent d’anticiper toute éventualité.
Vous souhaitez être accompagné ? Contactez-nous