Valorisation d’entreprise : quels sont les enjeux ? 

Avril 2023

Le contexte économique actuel (la succession de crises avec la guerre en Ukraine et l’inflation galopante) a impacté la valorisation des entreprises. Les startups françaises voient leur valorisation fortement fluctuer, voire s’amoindrir. Elles connaissent des difficultés de valorisation, problématique qui semble désormais ne plus être uniquement cantonnée aux startups.

Comment la valorisation des entreprises a-t-elle évolué ? Quels sont les critères à prendre en compte ? Comment obtenir une valorisation réaliste de son entreprise ?

Cédric Hetzel, associé, et Edgard Cohen, directeur associé de June Partners, apportent des éléments de réponses aux dirigeants qui s’interrogent sur le devenir de la valorisation de leur entreprise.

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Qu’entend-on par la valorisation des entreprises ? Dans quel contexte la valeur d’une entreprise devient un enjeu ?

Il faut bien distinguer deux exercices de valorisation très différents. Le premier, dans le cadre d’une opération d’apport ou de mise en place d’un pacte Dutreil, est un exercice de valorisation assez théorique utilisé à des fins comptable ou fiscale. Le deuxième cas est en préparation d’une transaction à des conditions de marché, pour essayer d’estimer une fourchette raisonnable de prix. C’est ce dernier contexte qui nous intéresse ici, avec des conséquences directes sur la préparation et le dénouement de l’opération.

 

La valorisation des entreprises a fortement évolué depuis deux ans. Comment a-t-elle été influencée par la succession de crises ? Pourquoi les entreprises ont-elles une moins bonne valorisation ? Que constatez-vous chez les entreprises accompagnées ?

La valorisation d’une entreprise est fortement corrélée aux orientations stratégiques du management, qui se traduisent par les projections à cinq ou dix ans. Valeur et business planning sont intimement liés.

L’acquéreur va valoriser une promesse de croissance, de rentabilité ou de synergie futures. Cette promesse a de la valeur à ses yeux si elle semble crédible, atteignable et en même temps ambitieuse. Or, les crises actuelles mettent sous haute pression les business model historiques des sociétés et le niveau de confort que peut avoir l’acquéreur dans l’atteinte des objectifs du plan.

Par ailleurs, la création de valeur, notamment dans la sphère financière, a été souvent liée à l’effet de levier, à l’évolution favorable des multiples de valorisation, et, enfin, à l’amélioration de performance de la participation. Actuellement, les conditions d’endettement et les multiples de sortie sont mis à mal. Il reste l’évolution de la performance intrinsèque de l’entreprise comme paramètre.

Concernant les sociétés de la Tech, l’effet des différentes crises est d’autant plus critique que les multiples de valorisation à l’entrée ont été très élevés et sont aujourd’hui très chahutés. Au-delà des enjeux de prix, le financement de ces sociétés fortement consommatrices de cash devient plus compliqué. Cela mène à des corrections sur la valorisation qui peuvent être très significatives.

 

Quels sont vos conseils pour avoir une valorisation d’entreprise qui soit réaliste ?

Tout d’abord, la vision de l’entreprise doit être à la fois la plus claire et la plus ambitieuse possible. En effet, l’acquéreur va acheter une promesse de croissance, de rentabilité et de génération de cash. Le travail préparatoire est extrêmement important, puisqu’il va consister à challenger les actionnaires et les managers dans leur stratégie, ainsi que leur feuille de route opérationnelle et financière.

Un autre point important est l’accès à l’information. Une entreprise sera d’autant mieux valorisée que les acquéreurs ou investisseurs potentiels auront accès à une information transparente et qualitative. Plus une entreprise semble opaque, notamment pendant une transaction, moins la valorisation sera forte. L’accès à l’information se prépare largement en amont du processus, car structurel, et surtout pas pendant la phase de due diligence. La période inflationniste rend cet exercice d’autant plus important : quelle est la capacité de la cible à pouvoir augmenter ses prix pour faire face à l’augmentation des achats et à préserver ses marges ?

Par ailleurs, une offre n’est pas qu’un enjeu de prix des titres. L’ensemble des paramètres pour en faire une bonne offre est beaucoup plus vaste : le projet de l’acquéreur, sa solidité, l’accompagnement opérationnel des sortants, la gouvernance future, les ajustements et conditions de délivrance du prix… Il arrive fréquemment que l’offre retenue par le vendeur ne soit pas celle qui présente la valorisation la plus élevée.

Enfin, la mise en concurrence des différents prétendants dans un processus contraignant est indispensable.

 

Est-ce qu’il existe des différences de valorisation dans le cas de levée de fonds par rapport aux cessions ?  Comment l’exercice de valorisation se passe-t-il dans les groupes familiaux ?

Un exercice de valorisation dans le cadre d’une levée de fonds n’est pas exactement le même que pour une cession. Dans ce dernier cas, les analyses seront plus concentrées sur les performances historiques et en cours. Tandis que pour une levée de fonds, cela va être naturellement plus orienté sur le projet de développement. Dans tous les cas (cession ou levée de fonds), un business planning cohérent et réaliste doit toujours accompagner la communication au marché. Il s’agit d’un moyen d’illustrer la performance historique et de projeter la stratégie de manière tangible.

De plus, dans le cadre d’une levée de fonds d’une société jeune, les fondateurs vont souvent attendre de l’investisseur autre chose que des capitaux. Il pourra s’agir d’un accompagnement pour aider à la structuration, à la réflexion stratégique, à ouvrir des portes ou accélérer le développement.

Dans le cas d’un groupe familial, l’actionnaire sera attaché à la personnalité de l’acquéreur et son projet, notamment, en termes de préservation de l’ancrage territorial, de sauvegarde de l’emploi, et de valeurs.

 

Est-ce que la data joue toujours un rôle dans la valorisation de l’entreprise ?

La data intervient à deux niveaux. D’une part, elle participe à la création de valeur par l’enrichissement du business model de la société et se traduira par ce biais dans les chiffres du business plan. D’autre part, elle est un moyen de piloter plus efficacement la performance par un accès facilité à une information de qualité.

 

En quoi la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) influence la valorisation de l’entreprise ? Comment est-elle prise en compte ?

Les contraintes réglementaires de la RSE peuvent se transformer en opportunité ou en menace sur le business model d’une entreprise. La pression s’accroit de la part des clients, des financeurs, des investisseurs, ou des salariés. L’impact de la RSE n’est pas toujours suffisamment intégré aux réflexions dans les PME en amont des contextes de cession, de levée de fonds ou d’acquisition.

 

La valorisation de l’entreprise est intimement liée à son plan stratégique, et la crédibilité de ce dernier repose sur la robustesse des performances historiques. Il s’agit d’un exercice dynamique qui doit se confronter à la réalité du marché, à la nature de la contrepartie, et aux leviers de négociation.

 

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