Option Finance – Interview de Paul Guerrier “Financement des entreprises : Contexte & Enjeux”
Comment se comporte le marché de la dette aujourd’hui ?
Dans un contexte de ralentissement de la croissance et de resserrement des politiques monétaires, l’endettement mondial poursuit sa progression, principalement porté par la croissance de la dette gouvernementale et celle des entreprises.
En Europe et en France, la dette corporate bénéficie du poids grandissant de la désintermédiation bancaire. Dans un environnement de taux bas, les investisseurs institutionnels, qui peinent à identifier des supports d’investissement proposant un rendement attractif et stable, ont pris une place prépondérante dans ce marché. Le nombre d’acteurs présents sur le marché de la dette privée en Europe a augmenté de près de 60% sur les trois dernières années, permettant ainsi de proposer une alternative crédible au financement bancaire.
Cette tendance s’inscrit dans celle observée depuis une dizaine d’années au sein de l’écosystème financier avec le développement d’acteurs proposant des solutions de financement alternatives tels que les fintechs et les plateformes de crowdlending.
Les acteurs de la désintermédiation, après avoir connu une expansion rapide, tendent désormais à se spécialiser au sein de marchés de niche comme le venture debt et le financement d’actifs immobiliers ou à diversifier leur offre, notamment pour les plateformes de financement généralistes.
Le marché français du crédit aux entreprises est également très dynamique, contrairement à la situation dans le reste de l’Union Européenne, et contribue ainsi à l’augmentation de l’endettement. Sur les sept dernières années, le montant total des crédits mobilisés auprès des entreprises a augmenté de près de 33%. Les banques françaises sont par ailleurs des éléments moteurs dans le développement de la finance verte, certaines d’entre elles figurent parmi les principaux arrangeurs d’obligations vertes au niveau mondial.
Aujourd’hui, les entreprises ont donc accès à un large éventail de solutions de financement adaptées à des problématiques variées, et ce à différents stades de leur développement. Cela représente une véritable opportunité si le besoin est clairement défini et la sélection du financement effectuée de manière très fine.
Dans ce contexte, comment optimiser sa stratégie de financement ?
Du fait de la diversité actuelle de l’offre, la levée de nouveaux financements se présente comme un processus complexe qu’il est nécessaire de structurer dès la phase préparatoire.
Il est impératif d’avoir une vision claire à 3-5 ans de la stratégie de l’entreprise et de ses objectifs financiers, présentés au sein d’un Business Plan, afin de déterminer de manière précise le besoin de financement.
Pour lui permettre de sélectionner les solutions de financement les plus adaptées, l’entreprise doit constituer son propre écosystème de partenaires financiers – qu’il convient de dissocier du pool bancaire traditionnel – composé de banques et d’acteurs de la désintermédiation (fonds de dette privée et fintechs).
Ces deux types d’acteurs ne sont pas opposés mais complémentaires et il faut prendre en considération la possibilité d’associer plusieurs types de financements pour être en mesure de répondre efficacement au besoin de l’entreprise, notamment lorsque cela implique d’avoir recours à certains produits que les banques sont plus réticentes à mettre en place (dette in fine ou certains produits plus spécialisés comme le financement de stocks ou d’actifs industriels).
Mais attention, la mise en place de ces différents instruments demande un véritable travail juridique et financier notamment sur le schéma des garanties.
Enfin pour une optimisation maximale de sa stratégie de financement, il est impératif de la cadrer dans un calendrier bien précis avec l’ensemble des parties prenantes.
De quelle manière ce processus doit-il être abordé par les entreprises ?
La revue de sa stratégie de financement constitue un processus relativement complexe et chronophage pour lequel une entreprise doit se préparer bien en amont.
Plusieurs facteurs, tels que le degré d’implication des équipes au sein du projet ou la complexité de l’offre, doivent ainsi être pris en compte au risque d’affecter négativement la bonne conduite des opérations de l’entreprise, et notamment de la direction financière.