Dirigeants et actionnaires : Comment naviguer en période d’incertitude sanitaire ?

Octobre 2020

Par Fabrice Keller, Associé June Partners pour Les Echos Capital Finance – Dossier Spécial Restructuring

Dans un contexte de crise du COVID-19, de nombreuses incertitudes s’installent pour les dirigeants d’entreprises de tous secteurs. Certains secteurs sont d’ailleurs dans une situation extrêmement critique comme l’événementiel, la restauration, l’hôtellerie, les transports ou encore le tourisme.
Les données étant instables, les dirigeants ont donc besoin d’un tableau de bord afin d’y voir plus clair pendant les douze prochains mois en termes de résultats et surtout de trésorerie. En cela, les actionnaires doivent être également tenus au courant de la marche à suivre pour mieux anticiper leurs positions.
Quant au management, il s’en voit totalement bouleversé, et nécessite alors une réorganisation en configuration de « guerre, déployant différentes task forces :

– Premièrement, une task force doit s’occuper de mettre à jour en temps réel la prévision d’exploitation et de trésorerie qui servira de ligne de conduite pour le reste.

– Une task force qui optimise le recouvrement client.

– Une task force qui gère toutes les négociations avec les créanciers pour dégager de la trésorerie.

– Une task force qui évalue les moyens de financement publics ou privés qui peuvent être mobilisés.

– Une task force de gestion des difficultés opérationnelles liées aux mesures sanitaires qui s’occupe de l’organisation quotidienne du travail en fonction des consignes gouvernementales : port du masque, distanciation sociale, gestion des outils (ordinateurs etc) pour le télétravail.

– Et enfin, une task force qui prend en charge la communication interne avec les salariés, ce qui n’est pas à négliger puisqu’ils sont en situation de stress.

Cette nouvelle organisation quotidienne mobilise donc des ressources extrêmement importantes qui diffèrent du cours normal de la vie d’une entreprise. Dans ce contexte, il faut généralement se faire épauler par des intervenants extérieurs spécialisés pour gérer ces aspects.

Une fois que tout est mis en place, les dirigeants doivent suivre en temps réel la trésorerie pour anticiper si l’entreprise risque d’être en cessation de paiement. Ils développent aussi un talent d’adaptation aux différents scénarios. Par exemple, l’annonce du mercredi 23 septembre 2020 a un impact immédiat et majeur sur le domaine de l’évènementiel en réduisant la jauge de rassemblement à 1000 personnes.

La communication est donc le mot clé – particulièrement entre une société et son actionnaire. Ce dernier doit bien connaître la situation de la trésorerie afin d’anticiper s’il peut continuer à investir ou s’il doit trouver un autre actionnaire. Dans ce domaine, l’entreprise et les actionnaires peuvent utiliser tous les dispositifs mise en place par les pouvoirs publics et d’autre part le cadre juridique de la prévention des difficultés. On compte notamment le décalage des charges fiscales et sociales (en précisant qu’en ce moment les CCSF et le CIRI font preuve d’une grande bienveillance) et la mise en œuvre du travail partiel.
Enfin, le temps n’est pas à négliger : il est essentiel de se préparer à toutes les éventualités.

Au niveau du cadre règlementaire, les dirigeants doivent prendre en compte que les décalages de certains paiement (comme les loyers) n’empêchent pas l’entreprise de se retrouver juridiquement dans une situation de cessation de paiement. Pour prévenir ce risque, les procédures de prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) restent un outil efficace pour couvrir le dirigeant et éviter un dépôt de bilan.

Malgré la violence de la crise du COVID, les entreprises disposant d’un fonds de commerce solide s’en sortiront dans la mesure où il reste de l’argent disponible sur le marché. Anticipation, organisation, communication et adaptation sont des qualités critiques pour gérer les instabilités et challenges auxquels les entreprises font et feront face au cours des prochains mois.