“Le mythe de la digitalisation” – Intervention d’Anaïs Voy-Gillis à l’occasion de l’i4.0′ Tour sur Les conditions du renouveau de l’industrie

Octobre 2019

 

Dans le cadre de l’événement organisé par Patriarche, i4.0 Tour : Les conditions du renouveau de l’industrie », Anaïs Voy-Gillis est intervenue sur le mythe de la digitalisation…

Quand on parle de « digitalisation », il y a généralement toute une imagerie qui nous vient à l’esprit : Intelligence Artificielle, Big Data, Cloud…Si nous avons tous entendu ces mots , il n’est pas toujours évident de savoir la réalité qu’ils recouvrent. Leur sens est souvent déformé par les médias – créant un sentiment de fascination ou de crainte. Le secteur de l’industrie n’y échappe pas.

Ces technologies liées à la 4ème révolution industrielle sont au centre de nombreux questionnements. Le concept d’industrie 4.0 est apparu outre-Rhin lors de la Foire de Hanovre en 2011, devant la prise de conscience des industriels allemands de renouveler leur système productif pour répondre à de nouveaux défis : montée en puissance des pays émergents et entrée des acteurs du numérique sur des terrains historiquement réservés aux industriels. Par la suite, de nombreux États et entreprises se sont emparés du sujet développant leur propre sémantique comme en France avec ses « usines du futur ». Ainsi, derrière ce vocabulaire complexe, se cachent de véritables enjeux auxquels les industriels doivent répondre.

Les sociétés et les industries sont bouleversées par la digitalisation. Ces solutions  permettent de soulager l’Homme de certaines tâches répétitives et chronophages – ce qui est le cas de la robotisation par exemple. Mais, la peur d’être « remplacé » par les machines est souvent inévitable.

Cependant, certains dirigeants d’entreprises restent réservés face à ces nouvelles technologies : ils n’en voient pas la nécessité car leur entreprise est trop petite, les gains offerts sont difficiles à chiffrer ou ils n’ont pas les moyens d’accéder à de telles technologies.

Pour les industriels, la révolution numérique bouleverse également le mode de management et met le sujet des compétences sur le devant de la scène. La transformation des sites implique un profond changement dans la nature du travail des employés . Si le Royaume-Uni et les États-Unis prennent davantage en compte ces changements, la France peine à investir dans les compétences humaines pour faire face aux transformations induites par les révolutions. En effet, il y a un déficit de formation dans les métiers de demain en France. Toutefois, certains industriels prennent les devants et développent leurs propres formations en lien avec les centres de formation et les pouvoirs publics.

C’est toute une culture et une vision qui changent. Et cela ne s’arrête pas à l’image de machines qui prendraient la place de l’Homme. Il s’agit d’interpréter ces transformations comme une redéfinition des compétences de l’humain dans les usines, une juste évolution des métiers qui s’adapte aux nouveaux enjeux.

Une des grandes problématiques de ces usines de futur demeure la place de l’Homme. Quel rôle l’Homme a-t-il à jouer dans l’industrie de demain ? Les industriels ont la possibilité de se renouveler et de repenser leur façon de produire – ce qui est un véritable défi pour eux. Mais ils ne trouvent pas les talents dont ils ont besoin. A l’origine, les sites industriels sont localisés en zone rurale et dans les villes petites et moyennes. Victimes de cette « représentation », ils peinent à attirer les experts qui évoluent principalement dans les métropoles.  La digitalisation implique la recherche de nouveaux profils qui ont des compétences particulières, ce qui est le cas des équipes IT. Dès lors, il est primordial d’investir dans le développement des compétences des salariés en poste afin qu’ils puissent accompagner ces transformations.

Les facilités offertes par le numérique reconfigurent également le rôle du client. De simple consommateur à prescripteur, le client change de position et prend une place centrale dans l’usine. En outre, la demande évolue induisant un passage d’une production de masse à une production individualisée de masse, à des coûts devant s’approcher de ceux d’une production en grande série. C’est cette quête du produit personnalisé qui pousse les industriels à questionner leur manière de produire. Par exemple, Adidas réalise des chaussures sur mesure dans son usine allemande d’Ansbach et son usine américaine d’Atlanta. Baptisée « Speedfactory », elle fabrique des chaussures de sport performantes répondant directement aux besoins des clients et à proximité des lieux de consommation , tout en maîtrisant fortement les coûts de production et dans des délais courts.

En conclusion, au-delà des craintes qu’elle suscite, la digitalisation est une opportunité unique de repenser le système productif français et de maintenir une base industrielle forte en France. Les transformations en cours ont besoin d’être anticipées pour envisager l’émergence de nouveaux modèles que ça soit sur le plan financier, social ou organisationnel.