Comment prévenir la défaillance de son entreprise ?
Ce 21 novembre, Guillaume Masseron, associé chez June Partners, a participé à la conférence en ligne “Prévention, restructuring et traitement des difficultés : les outils à disposition des entreprises” lors de La Semaine du Restructuring organisée par Option Finance et Option Droit & Affaires. Retour sur son intervention…
L’incertitude et l’inflation mènent la danse
De façon macroéconomique, les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus complexe et instable.
Les évènements récents démontrent à quel point les entreprises peuvent être impactées par des évènements géopolitiques, économiques voire environnementaux qu’elles ne maitrisent pas. L’incertitude devient la règle.
Les chefs d’entreprises doivent faire face à une situation inédite. D’une part, l’inflation est à un niveau jamais atteint sur les 40 dernières années. D’autre part, les difficultés d’approvisionnement sont généralisées au niveau mondial.
L’inflation en zone euro devrait atteindre 10,7% en octobre (contre 9,9% en septembre) selon une estimation publiée par Eurostat. Elle est principalement tirée par l’énergie (41,9%). Cependant, tous les secteurs sont touchés (alimentation, alcool & tabac (13,1%), biens industriels hors énergie (6,0%) et services (4,4%)) ;
La France est, pour l’instant, un peu moins touchée avec une inflation toutefois estimée à 7,1% en octobre (contre 6,2% en septembre). Mais nous voyons des tensions apparaître :
- Le renchérissement des coûts de l’énergie qui pousse certaines entreprises à ralentir leurs activités,
- Les mouvements sociaux dans les raffineries ou les transports pour des revalorisations salariales,
- L’augmentation des taux d’intérêts qui alourdissent le poids de la dette.
Les facteurs d’instabilité étaient pour la plupart déjà présents avant le déclenchement de la guerre en Ukraine :
- La pandémie et les contraintes sanitaires qui ont modifiées les modes de fonctionnement ou de consommation. Elles ont pesé sur le niveau d’activité des entreprises (en particulier l’hôtellerie et la restauration),
- Le blocage du Canal de Suez qui a amplifié les difficultés d’approvisionnement suite à la reprise économique en Asie (notamment avec la crise des semi-conducteurs),
- L’augmentation des prix de certaines matières premières, notamment dans la construction (comme pour le fer), ou du fret qui a débutée dès le second semestre 2021.
Le conflit ukrainien n’a été qu’un accélérateur. Ces tensions et incertitudes devraient donc perdurer malgré les efforts des Etats et des banques centrales. Le début d’une récession est même annoncé dès la fin de l’année.
Le nombre de défaillances d’entreprises s’accélèrent
Cela a bien évidemment des conséquences directes sur le niveau de rentabilité et la trésorerie des entreprises, même celles qui étaient les plus saines.
Le nombre de défaillances d’entreprises s’accélèrent. 8 950 procédures collectives ont été ouvertes au 3ème trimestre 2022 (+69% vs. 2021). Nous avons franchi la barre des 38 000 défauts sur 12 mois glissants. Avec 10 000 procédures de plus sur un an (+34 %), la France revient sur les niveaux de défaillances de l’été 2020.
Si le niveau de défauts est encore en deçà de celui d’avant la crise sanitaire (53 000 procédures observées à fin septembre 2019), il le dépassera l’an prochain selon Allianz Trade. La hausse attendue des défaillances est de 29% l’an prochain.
Les entreprises doivent anticiper et réagir rapidement
Il est nécessaire d’intervenir le plus en amont possible pour aider les entreprises à s’adapter à la nouvelle donne et justement éviter les défaillances d’entreprises. Le maître mot est anticipation et agilité.
Cela est d’autant plus important que le “quoi qu’il en coûte” a atteint ses limites. Les entreprises ne peuvent plus compter exclusivement sur l’Etat. Les PGE (Prêts Garantis par l’Etat), les passifs sociaux et fiscaux vont d’ailleurs devoir être remboursés. Même si nous allons voir qu’ils peuvent quand même être réaménagés.
L’environnement mouvant dans lequel nous évoluons remet en cause la plupart des business models. Les entreprises doivent anticiper ces changements et s’adapter à la nouvelle donne.
Anticiper et réagir rapidement implique de :
- Disposer des indicateurs fiables, pertinents et disponibles rapidement ainsi que d’outils de modélisation évolutifs,
- Bien comprendre son pricing (et notamment l’élasticité prix/volume),
- Maîtriser sa structure de coûts (afin de suivre ses marges ou envisager des mesures de cost cutting),
- Piloter son BFR et ses financements (pour éviter des tensions voire une impasse de trésorerie).
Les entreprises doivent s’adapter et gagner en flexibilité
Tout ceci nécessite des outils de traitement de la data et des compétences de modélisation pointues dont ne disposent pas forcément la plupart des PME et ETI.
S’adapter et gagner en flexibilité nécessite de :
- Revoir son business model. Il est nécessaire de se recentrer sur son core business (cœur de métier), et son organisation. En effet, les façons de vendre, d’acheter ou de travailler en équipe ont changé,
- Se rapprocher des donneurs d’ordre pour passer des hausses tarifaires raisonnées et mieux connaître leurs besoins. Le but est d’ajuster ses achats ou sa production au niveau d’activité,
- Variabiliser sa capacité de production, à la hausse ou à la baisse. Il est par exemple possible de recourir au travail intérimaire ou à l’annualisation du temps de travail,
- Rationaliser ses stocks et ajuster ses financements. En effet, en période d’incertitude, la trésorerie ne doit surtout pas devenir une contrainte supplémentaire.
Les secteurs d’activité sont tous touchés
Une étude d’Altarès montre que tous les secteurs sont touchés. Le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, les services à la personne ainsi que le bâtiment sont les plus impactés.
Prenons l’exemple d’une coopérative agricole. Elle a vu le cours de sa principale matière, le blé tendre, s’envoler suite au conflit en Ukraine. Son cours est passé de 260 € la tonne à 420 € la tonne en l’espace de quelques jours. Cette entreprise a dû se doter d’outils de modélisation pointues pour en mesurer l’impact. Elle a ensuite négocié des financements supplémentaires auprès de ses partenaires bancaires.
Aujourd’hui, toutes les entreprises sont fragilisées par l’augmentation des cours de l’énergie.
Les entreprises qui n’auront pas pu se remettre en cause et n’auront pas engager les réformes pour s’adapter à cette nouvelle donne devront alors envisager les procédures de prévention des difficultés.
En synthèse, l’anticipation, la flexibilité, le pilotage de l’activité et de la trésorerie sont indispensables dans un environnement de plus en plus mouvant.
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