Défaillance d’entreprise : comment l’éviter et assurer sa santé financière et économique ?
Dans son étude trimestrielle, Altares montre que le nombre de procédures de défaillances a augmenté de +34% sur un an, avec environ 10000 défaillances d’entreprises au 1er trimestre 2022. La forte reprise de l’économie française en 2021 n’aura pas été suffisante pour éviter ce phénomène. Comment l’expliquer ? Devons-nous nous attendre à une poursuite de la hausse de son nombre dans les mois à venir ? Comment éviter la défaillance de son entreprise et assurer sa santé financière et économique ?
Guillaume Masseron, associé chez June Partners, répond aux questions dans ce nouvel épisode de The June Podcast :
Sommaire de l’épisode
- Contexte économique
- Point sur la situation des défaillances d’entreprises
- Conseils pour assurer la santé financière et économique de son entreprise
1. Contexte économique
Le conflit russo-ukrainien semble assombrir les perspectives des entreprises. La forte reprise observée l’an dernier avec une augmentation du PIB de +7% et la confiance qui régnait début 2022 avec des trésoreries et des carnets de commandes abondants laissaient espérer une relance de l’économie française. Or, le contexte actuel est tout autre : comment l’expliques-tu ?
Guillaume Masseron : Cette situation s’explique par l’incertitude liée au contexte international qui s’accentue un peu plus chaque année : Brexit, Covid, blocage du canal de Suez… Le conflit russo-ukrainien vient renforcer cette instabilité et les tensions déjà présentes chez les entreprises françaises.
Hausse du coût de l’énergie et des matières premières
Tout d’abord, la guerre entre la Russie et l’Ukraine renforce l’inflation, qui atteint 4,5% sur un an en mars en France selon l’Insee et représente “la préoccupation numéro un des entreprises” d’après le baromètre OpinionWay pour BDO et Challenges.
En effet, ce conflit entraîne une forte hausse du coût de l’énergie et des matières premières et donc des coûts de production :
- Les prix du pétrole, du charbon et du gaz flambent. Ainsi, le prix du gaz devrait doubler en Europe en 2022 par rapport à 2021 selon le rapport annuel de la Banque mondiale sur les marchés des matières premières. Le cours européen de référence du gaz a d’ailleurs atteint un record historique à 345 euros le mégawattheure (MWh) en mars dernier. Quant au charbon, il devrait augmenter de 80% selon la Banque mondiale. Sans compter les prévisions extrémistes concernant le prix du baril de brent qui pourrait atteindre 250 dollars courant 2022 selon ces prévisions.
- Les prix des matières premières explosent également, notamment dans le domaine agricole. La hausse devrait atteindre 18% sur les céréales dont l’Ukraine et la Russie sont de grands producteurs. Ces deux pays fournissent le tiers du blé et de l’orge mondial et 80% du tournesol et des tourteaux. La tonne de blé devrait même augmenter de 40% pour atteindre un record à 450 dollars cette année contre en moyenne 232 dollars en 2020 selon le rapport annuel de la Banque mondiale.
Pénurie de matériaux et difficultés d’approvisionnement
Ensuite, le conflit en Ukraine contribue à la pénurie en matériaux de construction et aux difficultés d’approvisionnement en métaux lourds. Cela fragilise le secteur industriel français, avec notamment l’arrêt des livraisons d’aluminium provenant de Russie et la hausse de prix. Par exemple, la tonne d’aluminium a atteint un niveau historique à 3552 dollars sur le marché des métaux de base de Londres le 2 mars 2022.
Liens économiques entre les entreprises françaises, l’Ukraine et la Russie
Enfin, les entreprises françaises sont économiquement liées à l’Ukraine et à la Russie :
- Près de 500 entreprises sont implantées en Russie et 160 en Ukraine. Nous sommes d’ailleurs “le premier employeur étranger en Ukraine” dans plusieurs secteurs, dont la grande distribution avec le groupe Auchan et Décathlon, le secteur bancaire avec le Crédit Agricole et BNP Paribas, le secteur agroalimentaire avec Louis Dreyfus et Fromageries Bel et celui du numérique avec Ubisoft et Blablacar. Le conflit les impacte fortement suite aux bombardements en Ukraine et aux conséquences des sanctions européennes en Russie.
- La France a des échanges commerciaux conséquents avec l’Ukraine où nous sommes le sixième investisseur étranger (quatrième investisseur européen) et le neuvième fournisseur (quatrième fournisseur parmi les pays de l’Union Européenne).
Début du remboursement des PGE
Mais, au-delà de ce conflit, le début du remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE) est aussi à prendre en compte.
Cela devrait inciter les entreprises françaises à être prudentes dans la gestion de leur trésorerie pour éviter de se retrouver en défaillance. En effet, la situation en avril sur la trésorerie d’exploitation des grandes entreprises et des ETI est jugée “difficile” par une majorité des trésoriers interrogés par l’institut Rexecode et l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise dans le cadre leur enquête mensuelle.
2. Point sur la situation des défaillances d’entreprises
Dans l’épisode 7 de ce podcast, tu expliquais qu’une augmentation du nombre de défaillances d’entreprises cette année était attendue, passant de 45000 défaillances en 2021 à 62000 en 2022 (d’après les chiffres d’Euler Hermes). Où en est-on actuellement ? Dans le contexte actuel, devons-nous nous attendre à une poursuite de la hausse de leur nombre dans les mois à venir ?
G.M. : Actuellement, le taux de défaillance des entreprises françaises repart à la hausse après deux années de baisses historiques. Ce taux a augmenté d’environ 35% par rapport au 1er trimestre 2021. De plus, près de 10000 procédures collectives ont été ouvertes depuis le début de l’année. Thierry Millon, directeur des études Altares prévoit “entre 35000 et 40000” défaillances en 2022, ce qui reste inférieur aux années précédentes à la crise sanitaire (“en 2020 et 2021, moins de 61000 procédures collectives ont été ouvertes contre 107000 […]” en 2018 et 2019).
Toutefois, les entreprises ne sont pas touchées au même niveau selon Altares. Les jeunes entreprises et les “petites” PME de 10 à 49 salariés sont les plus impactées :
- 48% des entreprises de moins de 5 ans sont entrées en défaillance au premier trimestre.
- La hausse des défaillances des “petites” PME a atteint 56% sur un an (645) et a dépassé le niveau des années antécédentes à la pandémie (632).
De plus, le taux de défaillance des entreprises est différent en fonction des secteurs. Altares mentionne que les activités en B2C (commerce, restauration, services aux particuliers) sont davantage touchées que celles en B2B (construction, industrie manufacturière/agroalimentaire, services aux entreprises, transports, agriculture) :
- La restauration traditionnelle connaît un doublement du nombre de défaillances (600 contre 285, soit +111%) qui va bientôt atteindre les seuils du 1er trimestre 2020.
- Le secteur agroalimentaire (+95%) est plus touché que l’industrie manufacturière (+29%). Cela est lié au doublement du nombre de défauts sur un an des artisans boulangers pâtissiers qui représentent une part majoritaire des acteurs de l’agroalimentaire.
Par ailleurs, la fin de la pandémie de la Covid et l’arrêt des aides de l’Etat contribuent à amorcer cette hausse qui est renforcée par le conflit russo-ukrainien.
3. Conseils pour assurer la santé financière et économique de son entreprise
Que conseilles-tu aux dirigeants pour éviter la défaillance de leur entreprise et assurer sa santé financière et économique ? Comment les clients que tu accompagnes gèrent-ils cela ?
Être agile et anticiper les difficultés
G.M. : Les dirigeants d’entreprise doivent être agiles et pouvoir anticiper les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles ils pourraient être confrontés. Agir ainsi est un moyen d’éviter la défaillance de l’entreprise et d’assurer sa santé économique et financière.
Les mesures du plan de résilience de l’Etat et le lancement de la nouvelle version des PGE en avril vont aider les entreprises à affronter les impacts du contexte actuel. Cela va doper une économie française qui était prête à redémarrer l’an passé. Cependant, cela pourrait ne pas suffire.
Il est donc crucial de pouvoir anticiper les difficultés qui pourraient apparaître afin d’éviter la défaillance d’entreprise :
- Suivre ses indicateurs opérationnels et financiers.
- Être agile et préparer des plans d’amélioration de la performance . Il faut dans le même temps disposer de prévisions d’exploitation et de trésorerie fiables et évolutives selon les scénarios.
Etablir des prévisions d’exploitation et de trésorerie et des indicateurs de suivi de la performance
Nous intervenons ainsi régulièrement pour :
- Établir des prévisions d’exploitation et de trésorerie évolutives en fonction de scénarios.
- Mettre en place des indicateurs de suivi de la performance. Par exemple, des indicateurs de rentabilité par produits ou par clients, de niveau de stocks, de productivité ou de délais de paiement clients ou fournisseurs. Grâce à eux, les dirigeants ont une bonne vision de leur activité ainsi que de leur trésorerie. Ils disposent des éléments pour décider de mesures correctrices.
Prévenir ou traiter les difficultés
Nous intervenons également pour prévenir ou traiter les difficultés lorsqu’elles apparaissent :
- Ajuster ou flexibiliser les outils de production et les effectifs pour améliorer la rentabilité et s’adapter au niveau d’activité.
- Revoir les processus de prévisions de ventes et d’approvisionnement pour les rendre plus fiables et réactifs.
- Améliorer la gestion des flux logistiques et des stocks ou mener des actions de recouvrement clients pour réduire le BFR.
- Mettre en place des mesures de cost cutting.
- Éteindre les foyers de perte par des mesures de restructuration plus lourdes ou des cessions.
Améliorer la trésorerie
Dans le cas de situations financières plus dégradées, nous accompagnons nos clients dans l’amélioration de leur trésorerie :
- Piloter la trésorerie par des arbitrages sur les décaissements fournisseurs.
- Rechercher de nouveaux financements (ex : affacturage, reverse factoring…).
- Renégocier les dettes avec les banques.
Notre approche se veut transverse grâce à des équipes non seulement financières mais également RH ou industrielles. Elles traitent l’intégralité du problème pour éviter qu’il ne réapparaisse. Nos consultants qui sont originaires à la fois du monde du conseil et de l’entreprise apportent des solutions pragmatiques et orientées résultats. Car, face aux difficultés, seules les solutions concrètes et impactantes comptent !
Si vous souhaitez en savoir plus contactez-nous.
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