La data annonce-t-elle une nouvelle ère pour les RH ?
A l’heure du Big Data, les entreprises sont nombreuses à exploiter les données à tous les niveaux de leur chaîne de valeur dont la direction des RH. Elle allie la data à des outils digitaux pour optimiser sa stratégie. Par exemple, Amazon pourrait utiliser un logiciel d’intelligence artificielle pour le recrutement de ses talents selon le média Recode. La data vient donc transformer la gestion des ressources humaines.
Quel est l’impact de la data sur la Direction des Ressources Humaines ? Comment exploiter à bon escient la data pour gérer les RH ? Quels indicateurs et compétences sont nécessaires ?
Jacques d’Armaillé et François Fau, directeurs, partagent leur expérience sur ce sujet prégnant pour toutes les Directions des Ressources Humaines.
Sommaire de l’épisode
- Rôle et enjeu de la data en entreprise
- L’implication de la data dans la direction des RH
- Idées reçues et bonnes pratiques sur les projets data RH
Rôle et enjeu de la data en entreprise
Depuis 2020, la transformation digitale des entreprises s’est accélérée, et, avec elle, celle de l’utilisation des données dans sa stratégie et à tous les niveaux de sa chaîne de valeur. François, comment la data se matérialise-t-elle chez les entreprises accompagnées ? Peux-tu nous rappeler les bénéfices de l’utilisation de la data dans l’entreprise et ses limites ?
Aujourd’hui, la data s’inscrit comme un levier de pilotage et d’optimisation de la performance de l’entreprise. Cette dernière souhaite, dès à présent, tirer parti de la donnée issue de sa transformation digitale à travers des cas d’usage, l’organisation et les compétences, les outils et les technologies. La data est au centre des analyses et des prises de décisions des entreprises sur divers sujets tels que l’optimisation de la “supply chain”, la réduction du stock, l’amélioration de la performance industrielle. De même, la data est utilisée par la Direction des Ressources Humaines pour, notamment, le recrutement, l’analyse du parcours en entreprise et les programmes de formations internes. Cependant, il existe certaines limites dans la captation des data telles que le volume de données généré, le caractère personnel des informations et leur gestion.
La data est présente dans tous les départements d’une entreprise. Jacques, quelles sont les implications de la data pour la Direction des Ressources Humaines ? Que constates-tu dans les entreprises accompagnées ?
Tout d’abord, la Direction des Ressources Humaines dispose d’une masse considérable d’informations qui ne se réduit pas simplement à des données chiffrées de feuilles de paie par exemple. Elle englobe toutes les informations de la vie du collaborateur dans l’entreprise (formation, recrutement, gestion des compétences, etc.) qu’il faut pouvoir capter, traiter et capitaliser.
Le premier enjeu pour la Direction des Ressources Humaines est, donc, de traiter ces informations. Or, généralement la fonction RH sous-exploite la data disponible au-delà des seules données chiffrées.
L’autre enjeu important est l’utilisation d’outils digitaux pour exploiter la data. En effet, ils sont un moyen pour la Direction des Ressources Humaines d’être plus performante, de pouvoir traiter ses données en masse de manière plus efficace et d’être plus réactive sur de nombreux sujets. Cependant, ces différents outils et sujets de digitalisation sont souvent silotés dans les entreprises. Par exemple, une entreprise du secteur bancaire a investi dans un certain nombre d’outils sans les avoir connectés entre eux. Par conséquent, la fonction RH est obligée de solliciter différents outils lorsqu’elle a besoin de capter de l’information et elle perd du temps. L’utilisation d’outils digitaux n’a donc aucun intérêt dans ce cas de figure.
Aujourd’hui, la coordination entre les outils digitaux, ainsi que, l’utilisation de la data sont donc des sujets importants pour la Direction des Ressources Humaines.
L’implication de la data dans la direction des RH
Comment l’usage des données modifie le rôle de la Direction des Ressources Humaines dans la stratégie de l’entreprise ?
Dans une entreprise du domaine de la logistique, la Direction des Ressources Humaines a du mal à se faire entendre par rapport à des fonctions plus opérationnelles ou commerciales, voire par rapport à la fonction finance. Lorsqu’elle a commencé à utiliser la data pour mettre en avant l’intérêt, la validité et le retour sur investissement des projets RH (recrutement, outils digitaux de gestion et d’efficacité de l’entreprise), il a été plus facile pour elle de convaincre la direction générale.
De plus, pour le sujet du recrutement, une stratégie d’investissement peut être mise en place à la fois pour réduire le taux de turn over en entreprise, mais, aussi, pour améliorer le cycle de recrutement.
Une autre stratégie qui est intéressante à appliquer est celle de la maîtrise de ces processus (recrutement, etc.). Elle concerne toutes les fonctions de l’entreprise. Il s’agit de capter des données et des indicateurs associés aux processus et, ensuite, de contextualiser cette information avec des données publiques. Le but est de positionner l’entreprise par rapport à un marché et à un territoire. Si l’entreprise mesure sa performance et est capable de se positionner par rapport à la concurrence alors elle a atteint la maturité Data.
Quels sont les compétences et les indicateurs clés nécessaires pour allier la data aux ressources humaines ?
Tout d’abord, maîtriser la data signifie que l’équipe contrôle les différents outils. Cependant, la Direction des Ressources Humaines est composée de profils très différents. Par conséquent, tout le monde ne sera pas forcément à l’aise avec les outils digitaux dès leur mise en place. Les exigences concernant la maîtrise des outils doivent être réalistes. En effet, ils nécessitent de savoir traiter et analyser les données. La fonction RH va devoir brasser de l’information, l’analyser, la capitaliser, individualiser les parcours des collaborateurs et rentrer dans les détails.
Quant aux indicateurs nécessaires, il en existe deux types. D’une part, les indicateurs sociaux de l’entreprise qui mettent en avant le bon fonctionnement ou qui sont une photographie de l’entreprise à un moment donné (taux de turnover, arrêt maladie, recrutement, etc.). D’autre part, les indicateurs de la performance RH qui matérialisent comment la fonction RH répond à ses objectifs et comment, d’un point de vue qualitatif, elle répond à ces différentes attentes.
Par ailleurs, il est nécessaire de restreindre le fossé existant entre la data, le technique et le métier lorsque l’entreprise a un projet et une nouvelle organisation data. Réduire ce fossé passe par la mise en place d’équipes hybrides, c’est-à-dire, que des profils techniques (data scientist, data analyst, etc.) vont être intégrés dans les équipes métiers afin de comprendre facilement les enjeux et problématiques sur lesquels ils vont travailler. Cependant, le métier doit aussi être en possession de la donnée et pas uniquement les profils techniques.
Par ailleurs, la Direction des Ressources Humaines doit progresser dans la manière de présenter la data. Présenter la donnée de manière claire est un enjeu clé. Elle rencontre souvent des difficultés à présenter des informations précisément avec des schémas lisibles et attractifs. June Partners accompagne la fonction RH à présenter de manière pertinente la donnée. Nous avons déployé un outil pour capter des données à partir de la DSN (Déclaration sociale nominative) et de les mettre en forme de manière à présenter l’information RH précisément.
Idées reçues et bonnes pratiques sur les projets data RH
Quels sont vos conseils pour que la Direction des Ressources Humaines exploite à bon escient la data ? Quelles sont les erreurs courantes ?
L’erreur principale est de considérer que la data se réduit à des chiffres, à des indicateurs sociaux ou à la production d’indicateurs. Or, la gestion de la data correspond à des informations relatives aux salariés, à leur activité et à leur parcours dans l’entreprise. Elle ne se réduit pas à quelques chiffres.
L’équipe des ressources humaines doit savoir traiter une masse importante de données et être capable de leur donner du sens. Cela s’inscrit dans un projet de suivi et de pilotage du parcours des salariés (recrutement, formation, développement…). Par conséquent, le choix des outils RH est extrêmement important en termes de digitalisation. Aujourd’hui, il existe différents outils sur le marché et pas un système global comme cela pouvait exister auparavant. C’est pourquoi, il faut choisir les outils pertinents et les relier les uns aux autres pour éviter de créer des silos. En complément, la formation de l’équipe des ressources humaines, ainsi que de tous les acteurs qui interviennent (ex. : les managers) est nécessaire pour correctement prendre en main et utiliser les outils.
Un autre conseil concerne la méthodologie utilisée. Mettre un outil à disposition des collaborateurs ne suffit pas. Ils doivent pouvoir l’utiliser dans le meilleur contexte possible et rendre compte de la manière dont ils l’utilisent. Cette démarche nécessite de :
- Prendre le temps d’identifier les acteurs et les outils adéquats ;
- Accompagner les collaborateurs dans la formation à l’outil ;
- Connaître la durée de leur utilisation de l’outil ;
- Effectuer des retours sur expérience pour savoir si l’outil est correctement utilisé.
Avant de sélectionner le ou les outil(s) qui vont être au centre du processus de la Direction des Ressources Humaines, elle doit prendre en compte :
- Son utilisation : quels sont les cas d’usages ? Quelle valeur souhaite-t-elle créer ?
- Son intégration au niveau de l’organisation : comment se déploie cette exploitation des données ? Comment se met en place les prises de décisions ? Quelles sont les compétences data à construire autour de ce projet ?
De plus, un seul outil ne va pas pouvoir embarquer toutes les problématiques de l’entreprise. Il faut inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise le choix de la technologie, de l’architecture data et de toutes les règles de gestion. La Direction des Ressources Humaines ne peut pas fonctionner que par elle-même. Elle doit pouvoir participer et être beaucoup plus active sur la stratégie globale de l’entreprise.
Un dernier conseil concerne le cadre juridique des données personnelles des collaborateurs (RGPD ou Règlement général sur la protection des données). Il doit être bien maîtrisé, ce qui n’est pas encore toujours le cas aujourd’hui. Un ensemble de règles de gestion de ces données doit être défini à travers les outils, l’architecture data et les processus de l’entreprise afin d’en garder le contrôle :
- Savoir où sont stockées les données personnelles ;
- Être capable à tout moment de les traiter, de les anonymiser ou de les supprimer.
La data annonce définitivement une nouvelle ère pour les ressources humaines. Elle vient transformer les métiers. La data demande des nouvelles compétences pour exploiter les données à bon escient, ainsi que, des indicateurs de suivi cohérents avec la stratégie RH. Centraliser les données RH est l’une des bonnes pratiques à suivre pour tirer parti de la data. Ainsi, l’ensemble de l’entreprise en bénéficiera.
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