Avis d’experts – Remboursement du PGE : l’heure du choix pour les entreprises, par Paul Guerrier, Benjamin Castel et Moxuan Wan

Février 2021

Près d’un an après la mise en place du dispositif de prêts garantis par l’Etat, l’heure est arrivée pour les dirigeants d’entreprise de communiquer aux banques leur stratégie de remboursement. Un choix qui mérite une réflexion plus structurante pour faire face à cette période d’incertitude et mieux envisager la reprise de leurs activités de demain.

Un PGE toujours disponible mais qui évolue

Le gouvernement a lancé ce dispositif en mars 2020 pour soutenir les entreprises de tous les secteurs dans le cadre du choc économique lié à la crise Covid. Aujourd’hui, 132 milliards d’euros de PGE ont déjà été distribués auprès de 640 000 entreprises.
Au cours des derniers mois, face à la dégradation de la situation, l’Etat a apporté plus de souplesse aux entreprises dans la demande et le remboursement du PGE. Les entreprises peuvent désormais contracter un PGE jusqu’au 30 juin 2021 au lieu du 31 décembre 2020 précédemment annoncé. De plus, les banques ont récemment confirmé la possibilité pour les entreprises de demander un différé de remboursement d’un an supplémentaire. La durée du prêt n’est cependant pas prolongée et reste d’une durée maximale de 6 ans.
Si toutes ces mesures permettent aux entreprises de respirer face à la crise qui s’éternise, c’est maintenant qu’elles doivent décider de leur stratégie de remboursement. Les premiers remboursements du PGE doivent débuter en mars 2021 et les banques commencent depuis quelques semaines à interroger les dirigeants sur les modalités de remboursement souhaitées. C’est le moment de bien réfléchir à une stratégie qui impactera non seulement la situation de l’entreprise à court terme mais également son développement à moyen long terme.

Définir une stratégie de remboursement à partir d’un business plan

Selon les sondages menés par la BPI, de plus en plus d’entreprises optent pour différer le remboursement d’une année supplémentaire. La décision n’est néanmoins pas si simple à prendre. D’un côté, différer d’un an de plus le remboursement permettra aux entreprises de conserver de la trésorerie pour traverser cette période incertaine. D’un autre côté, cela alourdira aussi les échéances à régler chaque mois sur la période de remboursement. De plus, il ne faut pas négliger le risque de se retrouver confronté à un mur de la dette car un niveau d’endettement élevé impactera la capacité des entreprises à obtenir de nouveaux financements auprès des banques ou des financeurs alternatifs.
De ce fait, les entreprises doivent définir leur stratégie de remboursement non seulement en fonction de leur situation actuelle mais également sur la base de leur stratégie de reprise et de développement à moyen long terme.
Un business plan clairement défini et réaliste est ainsi l’élément fondamental pour choisir les modalités de remboursement du PGE les plus adaptées. Il permet à une entreprise de planifier de façon claire tous ses projets d’investissement en lien avec sa stratégie de développement ainsi que de prévoir l’évolution de son volume d’activité à moyen terme. Il servira de base à la construction de la prévision de flux de trésorerie et à la définition d’un plan de financement structurant qui impacteront la décision sur le rythme de remboursement du PGE.

Un besoin en fonds de roulement qui nécessite d’être appréhendé avec la reprise

Plusieurs sujets doivent être pris en compte dans la réalisation de cette prévision à moyen terme et notamment l’évolution du BFR. Le redémarrage de l’activité va nécessairement impliquer une reconstitution du BFR avec une forte consommation de cash. Il est crucial d’estimer et de prévoir cette augmentation afin de solliciter par avance des sources de financement à court terme.
En plus des outils de financement court terme classiques (affacturage, découvert, billet à ordre, RCF, etc.), les sociétés d’affacturage proposent une nouvelle source de financement adossée aux carnets de commande des entreprises. Ce produit a été mis en place dans le cadre de la crise Covid et est disponible jusqu’à fin juin 2021. Le financement des commandes permet aux entreprises de gagner environ 45 jours d’avance de trésorerie.

Renforcement des fonds propres

Un autre sujet non négligeable à prendre en compte dans les projections porte sur le renforcement des fonds propres. Pour la majorité des entreprises qui voient leur bilan déséquilibré en raison de la crise, les fonds propres deviennent une source clé pour soutenir leur besoin d’exploitation ou pour financer leurs nouveaux projets d’investissement. L’accompagnement des actionnaires est ainsi primordial en cette période.
En plus de l’appui des actionnaires existants, l’Etat a également annoncé, notamment dans le cadre du plan de relance, une série de dispositifs de soutien dédiés à renforcer les fonds propres des entreprises et soutenir ainsi la reprise.
Le dispositif le plus attendu est celui des prêts participatifs. Ce produit bancaire devrait être accessible aux entreprises à partir du second semestre 2021. D’une durée d’au moins 8 ans et subordonné aux autres emprunts bancaires, ce prêt participatif est considéré comme des quasi-fonds propres dans l’analyse financière des établissements financiers. Le coût est estimé entre 4 et 6% par an pour les entreprises, ce qui est plus attractif par rapport aux autres sources de financement en fonds propres. Néanmoins, les critères d’éligibilité à ce dispositif restent encore flous. A priori, ces prêts devraient être réservés aux PME ou ETI qui montrent un fort potentiel de résilience.

Réflexion sur le traitement du mur de la dette

Enfin, pour les entreprises confrontées à un mur de la dette en raison de la crise, cet exercice de projection leur permettra d’avoir une visibilité sur le moment où elles pourraient être en difficulté et ainsi de prévoir dès maintenant les mesures à prendre pour éviter que la situation se dégrade. Plusieurs pistes sont possibles comme la négociation avec les créanciers sur le rééchelonnement des dettes, le refinancement des dettes existantes via des instruments hybrides (quasi-fonds propres) ou une augmentation de capital. Le moment est donc propice pour initier une réflexion sur la nécessité de procéder à une restructuration de la dette, et de définir le cadre juridique adéquat pour mener à bien cette opération