Avis d’experts – Prêt Garanti par l’Etat : premier retour d’expérience, par Marc-Antoine Cabrelli, Paul Guerrier et Moxuan Wan

Juin 2020

Depuis le début de la crise, nous avons pu accompagner un certain nombre d’entreprises, de toutes tailles, dans la mise en place du dispositif de prêt garanti par l’Etat (PGE).

Premier retour d’expérience…

Des règles différentes d’une banque à l’autre

Dans les premières semaines, et face aux sollicitations des entreprises, les banques ont fait preuve d’une grande réactivité dans le traitement des demandes. Néanmoins, les règles appliquées sont disparates d’une banque à l’autre en termes de processus internes, de documentation à fournir et de critères d’éligibilité. Dans certains cas, l’ambiguïté de départ sur l’éligibilité des holdings, des SCI ou du niveau de capitaux propres a freiné l’avancée des dossiers.
La durée du processus, de la demande officielle jusqu’à l’obtention des pré-accords bancaires, peut varier entre 5 à 10 jours et 2 mois en fonction de la complexité des dossiers.

Les banques restent prudentes pour accorder un PGE
La capacité de remboursement du PGE par l’emprunteur est la principale préoccupation des banques. L’obtention du PGE est, dans la majorité des cas, liée à la situation financière de l’entreprise avant la crise et à ses relations historiques avec ses partenaires bancaires. Une entreprise est privilégiée si elle parvient à donner de la visibilité sur la reprise de ses activités, à démontrer le retour à l’équilibre de la trésorerie à moyen terme et à prouver ainsi une capacité de remboursement rassurante pour les prêteurs. Cependant, pour une entreprise en phase de redressement ayant retrouvé de la rentabilité sur une période récente, les banques porteront un regard relativement critique sur son budget prévisionnel ainsi que sa capacité de remboursement.
Afin de mieux répondre à cette inquiétude soulevée par les établissements financiers, il est nécessaire pour le management de bien préparer la demande de financement. Plus concrètement, il est conseillé de démontrer que le PGE servira en premier lieu à couvrir les impacts négatifs de la crise sanitaire sur la liquidité de l’entreprise. Ensuite, que des actions conservatoires ont été mises en place et enfin, il est primordial que plusieurs scénarios de sortie de crise soulignent des perspectives réelles de reprise d’activité.
Par ailleurs, un renforcement des fonds propres est toujours privilégié par les partenaires financiers pour les entreprises dont la situation financière est plus impactée, afin d’assurer une meilleure capacité de remboursement et une structure financière plus solide.
En complément de la présentation portant sur la prévision de trésorerie et la capacité de remboursement, l’entreprise demandeuse doit également anticiper et préparer la répartition du PGE entre ses différents partenaires bancaires. La règle tacite en vigueur implique que les banques participent à concurrence de leur exposition globale. Malgré tout, cette répartition n’est pas toujours respectée par les banques, notamment dans le cadre de demandes effectuées pour l’ensemble d’un groupe. Certaines banques sont amenées à considérer qu’elles ne sont pas éligibles et de fait refusent de participer au PGE, par exemple lorsque la majeure partie de leurs encours est située sur des SCI ou bien encore lorsqu’elles sont uniquement exposées à des entités d’exploitation ne présentant pas de difficultés financières liées à la crise Covid-19. Ainsi, il est conseillé, au cours de la constitution du dossier, d’établir si nécessaire plusieurs scénarios de répartition du PGE en tenant compte de tous ces éléments. Cela permet d’éviter un délai allongé dans le processus d’obtention des pré-accords bancaires.
En outre, depuis quelques jours, certains établissements financiers commencent à conditionner l’obtention du pré-accord à des demandes qui sortent peu à peu de l’esprit du PGE : contraintes mises sur la levée de nouvelles dettes, limitation sur les cessions d’actifs et les investissements, etc.

Evolution de la demande du PGE aujourd’hui
A fin mai, le volume de demandes reste assez soutenu et les dossiers sont de plus en plus complexes. Par ailleurs, certaines entreprises ayant déjà obtenu un premier PGE reviennent avec une 2ème demande. Pour ces entreprises, il convient de faire attention à ne pas perdre la confiance de leurs partenaires financiers.
La Banque de France reste quant à elle fortement mobilisée auprès des entreprises dont la demande a été refusée par les banques et qui ont recours à la médiation du crédit. Néanmoins, l’impact de ces leviers d’action auprès des banques reste limité pour les dossiers des entreprises de taille importante.
Si aujourd’hui une grande partie des entreprises ont recours au PGE pour sécuriser leur trésorerie, les dirigeants devront mener à terme de vraies réflexions sur le traitement des PGE obtenus (remboursement, amortissement ou refinancement) afin d’évaluer la pertinence de cet outil dans le dispositif de financement de l’entreprise après la crise.

Solutions alternatives au PGE
Quelles pourraient être les solutions alternatives au PGE ? Concernant les financement bancaires classiques, jusqu’à présent les banques ont été monopolisées sur les PGE et les demandes de reports d’amortissement. De plus, l’enveloppe dédiée au prêt Atout proposé par la BPI a été quasiment consommée en quelques jours.
Aujourd’hui, la mobilisation des créances clients (affacturage, la cession Dailly etc.) reste un levier important pour les entreprises et la dette privée est également une solution alternative. Enfin, le Ministère de l’Economie étudie actuellement diverses solutions destinées à renforcer le haut de bilan des entreprises, tel que le prêt participatif. Les conditions de mise en œuvre de ces dispositifs restent toutefois à préciser.