Avis d’expert – Philippe Miret, revient sur les enjeux du secteur industriel
Les récentes enquêtes sectorielles réalisées en France montraient que l’industrie française avait retrouvé son niveau d’avant COVID à l’automne 2021.Mieux encore, les dirigeants d’entreprises industrielles qualifiaient la performance de leur entreprise comme bonne ou très bonne à hauteur de 77% d’après le baromètre « Performance & Transformation » réalisé par June Partners auprès d’un échantillon de PME et d’ETI Industrielles, soit un niveau équivalent à celui de 2019 et en forte amélioration par rapport à 2020 (+27 points).
Même s’il est trop tôt pour mesurer l’impact durable d’un épisode COVID qui n’est à ce stade toujours pas terminé et renforcé par le conflit russo-ukrainien, la réalité des entreprises tend à indiquer que le secteur industriel sera durablement impacté.
Plusieurs changements semblent durables. Le premier est la prise de conscience de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement longues et complexes, comme l’illustre la pénurie de semi-conducteurs que vivent de nombreuses entreprises industrielles. Non seulement, la visibilité des stocks et capacités des fournisseurs doivent être étendue au-delà des fournisseurs de rang 1 mais, en plus, la nécessité de sécuriser la continuité de production par une augmentation des stocks de matières premières et composants a pris une dimension stratégique qui écrase les objectifs de réduction de BFR, surtout en période d’argent peu cher.
Le deuxième changement important est celui de l’agilité. Savoir naviguer dans des environnements mouvants et peu prévisibles redevient la qualité première demandée aux managers de terrain qui doivent savoir remiser temporairement ou durablement les plans stratégiques pour s’adapter rapidement à de nouvelles contraintes opérationnelles et saisir les opportunités quand elles passent.
Ces deux évolutions majeures obligent à regarder différemment la question de la réindustrialisation de la France.
Le thème de la différence de coût -réelle ou supposée- entre une production loin des marchés dans des pays de bas coûts par rapport à une production à proximité des marchés dans des pays dits à coûts de production élevés doit alors être regardé sous un angle différent.
En effet, l’avantage compétitif d’une Supply Chain courte avec un management réactif par rapport à une Supply Chain longue et rigide est de plus en plus évidente. A quoi sert de pouvoir alimenter le marché dans quelques mois si le besoin est immédiat et la demande dans 3 mois incertaine ?
L’opportunité de réindustrialisation de notre pays est donc bien réelle, surtout avec un environnement politique favorable à l’industrie que nous connaissons aujourd’hui en France avec une volonté affichée et actée de favoriser l’investissement et réduire les contraintes administratives et économiques liées à une production sur le territoire national.
Et ceci favoriser et renforcer par une intégration dans l’équation économique du coût réel de détention d’un stock inadapté et des ventes non honorées par manque de réactivité des approvisionnements.
Ainsi, l’industrie française a encore un bel avenir devant elle si elle arrive à faire de sa proximité géographique avec les consommateurs un avantage compétitif en termes de service et d’expérience d’achat pour ses clients.