Capital Finance – Interview de Fabrice Keller et Guillaume Masseron “Agilité et anticipation : les clés dans un environnement mouvant”
Voici les deux forces dont toute entreprise doit être dotée dans un contexte qui devient chaque année plus incertain : Brexit, Covid, blocage du canal de Suez… En 2022, la crise ukrainienne vient renforcer les tensions déjà présentes chez les entreprises françaises avec notamment l’augmentation du coût des matières premières et les difficultés d’approvisionnement.
Fabrice Keller et Guillaume Masseron, associés chez June Partners, cabinet de conseil opérationnel qui accompagne les entreprises dans leur transformation, éclaircissent la situation.
Etant donné votre proximité avec les dirigeants d’entreprise, comment le contexte mondial actuel les affecte ? Qu’avez-vous pu constater ces derniers mois ?
Après l’arrêt brutal de la production mondiale dû à la crise Covid, la reprise a entraîné une surchauffe, générant hausse des prix et allongement des délais d’approvisionnement.
On aurait pu envisager un retour à la normale, mais la guerre en Ukraine vient brutalement exacerber ces problématiques. L’inflation de l’énergie et des matières premières s’emballe (+120% pour le gaz, +100% pour l’acier et +55% pour le blé par exemple). Cette hausse de prix s’accompagne de pénurie (matériaux de construction) et d’une extension des délais d’approvisionnement (tensions sur le fret mondial).
D’où la nécessité pour les entreprises de piloter au plus près leur activité, et de gérer au mieux leurs flux logistiques et leur BFR.
Un exemple très concret pour illustrer cette nécessité d’anticiper ces phénomènes exceptionnels : un distributeur de matériel médical en provenance d’Asie a été confronté à deux problématiques. D’une part, le délai d’approvisionnement a été rallongé à cause du transport maritime passant de 60 à 80 jours. Et d’autre part, il a dû affronter une variation des prix exceptionnelle. Les prix d’achats ont été multipliés par cinq pendant la crise Covid avant d’être divisés par cinq depuis 6 mois pour revenir à la normale. Dans ce contexte, il a été indispensable de piloter au mieux ses achats, de réussir à rebasculer l’augmentation des prix d’achats aux clients et de gérer les approvisionnements. De plus, il a fallu porter un stock beaucoup plus lourd pendant un mois supplémentaire du fait du temps de transport. Par conséquent, la valeur du stock a été multipliée par sept. Cela a entraîné des besoins de financement beaucoup plus importants.
Concrètement, que peuvent mettre en place les entreprises pour gérer ces incertitudes ?
Il est important qu’elles gagnent en agilité et en anticipation. Pour cela, nous les aidons à créer différents scénarios et à réaliser une analyse de sensibilité pour prévoir l’évolution de la rentabilité, anticiper les besoins de trésorerie et adapter leur plan d’actions en conséquence.
Par exemple, la création de plusieurs scénarios d’approvisionnement est un moyen pour elles de bénéficier des meilleurs prix pour leur “sourcing” avant une nouvelle exposition. Cela passe également par une meilleure coordination avec les prévisions de vente du commerce. Mais aussi par la variabilisation et la flexibilisation de leur outil de production avec une meilleure répartition du personnel propre et des intérimaires tout en favorisant l’annualisation du temps de travail.
L’objectif est d’assurer le pilotage des entreprises à tout instant pour faire face aux évolutions qui demeurent imprévisibles.
Enfin, la mise en place d’un plan de financement adapté, générant des marges de manœuvre, est indispensable notamment lorsque le BFR devient de plus en plus lourd à porter.
Cet article a été publié dans le magazine Capital Finance n°1493
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